Nounou, l’autre grand-mère pour les enfants Ballain et Lemonnier

Nounou, de son vrai nom Marie GLOAGEN, a passé la majeure partie de sa vie auprès de nos aïeux au point d’en devenir une figure familiale et sans doute l’une des plus chaleureuse de toutes dans la mémoire collective.

Une bretonne de Guengat près de Quimper

Marie Helo nait le 4 novembre 1884 à Guengat dans la ferme de Kergolvez (près de Plonéis) dans une famille de cultivateurs. Fille de Corentin et Corentine, elle épouse le 22 novembre 1908 à Plonéis Corentin Gloaguen dont elle aura deux fils : Corentin né à Plonéis le 7 octobre 1909 et René Marie né le 22 novembre 1913. Elle a une sœur anne-marie née le 17 mai qui épousera Jean Le Bars en juin 1908. Marie a eu une instruction scolaire comme le prouvent ses lettres, même si les fautes sont nombreuses.

Arrivée de Nounou à Saint Florent dans un contexte dramatique

La mort à l’âge de 17 ans d’Hélène Boutin, sœur de notre arrière grand-mère Marie Boutin, appartient aux traumas familiaux dont le souvenir s’est perpétué jusqu’à nous. Trauma accentué par la spectaculaire perte de ses cheveux de Marie Boutin durant une seule nuit (elle portera par la suite une perruque pour le restant de sa vie).

Photo d’hélèné boutin

Quelques jours après le décès d’Hélène le 13 octobre 1913 (inhumée le 15), Marie donne naissance à son 4ème enfant, hélène, née le 17 octobre 1913 à Saint Florent. Naissance accélérée par le choc ?

Après une première expérience malheureuse d’une nourrice conseillée par son médecin, sa belle-sœur, Madeleine Guinand mariée en 1913 à son frère René Boutin (1888-1967). Madeleine a en effet donné naissance à la fin 1913 à un petit garçon du nom de Georges.

Elle lui écrit le 15 février 1914 : « Ma chère Marie, J’ai reçu ce matin une lettre de la sage-femme qui m’a envoyé ma nourrice. Elle vous en a trouvé une mariée ayant deux enfants dont le dernier a 3 mois. Il parait que son lait est très abondant, elle parle le français et c’est une personne dans le genre de la mienne mais plus grande, elle habite la campagne. Elle demande 75 francs par mois mais vous pourriez sans doute l’avoir pour 70 (…) Seulement elle voudrait rester un an. Vous pourriez l’avoir de suite, étant prévenue (…) ».

J’imagine que Nounou est arrivée à saint florent au printemps 1914. Etait-elle avec ses deux fils ou les avait-elle laissés à son mari ? Toujours est-il qu’elle évoque des aller-retours entre Sant Florent et Plonéis.

Destins tragiques de la guerre

Le mari de Nounou, soldat dans le 118ème régiment d’infanterie numéro de matricule 017077, est tué lors de la bataille de la Somme le 24 mars 1915 à la Boisselle. Il avait 31 ans.

Marie Gloaguen écrit dans une de ses lettres le 9 avril 1915, quelques jours à peine après l’évènement : « Chère madame Maussion, Je vous rends réponse à votre lettre que j’avais reçue jeudi matin en sachant que vous étiez tous en bonne santé je suis heureuse pour vous. Il n’en est pas de même pour moi d’avoir perdu mon mari et d’avoir mes enfants malades mais pour mes enfants ils sont mieux j’ai fait venir la bonne sœur pour le voirs elle a dit que cétait la gripe qu’il avait le petit renée il fait que tousser et vaumir » Le petit René décèdera quelques semaines plus tard le 5 juin 1915.

Je ne peux m’empêcher de me demander à la lecture de ces deux documents si l’éloignement de sa mère n’a pas provoqué ou précipité la mort de ce petit René. 20 ans plus tard, dans un destin croisé, ce sera au tour de Marie Boutin de perdre son fils aîné René.

Et à propos de son mari : « Son camarade a écrit chez lui et qu’il disait que son camarade Gloaguen était tué (…) que mon mari était tombé à côté de lui (…) j’ai pas voulu non plus lui écrit car sa me fait trop de peine et il y avait beaucoup de gens de Ploneis la avec mon mari il le dit tous pareils (…) Il me disait le jour que j’était rentré à la maison je suis content maintenant de te voir arriver à la maison avec les enfants puisque Renée est malade et il me demandait si Madame Maussion était content que je partait pour la maison je lui avait di oui que cétait Madame Maussion qu’elle voulait que je venait soigner mon petit Renée ah il me disait je suis heureux de partir maintenant puisque vous est venu à la maison. Je finis ma lettre en vous embrassant de tout cœur et surtout vos petits enfants et la petite fille hélène que je n’oublie pas. J’ai des jours très longues maintenant je suis à tourner avec mes enfants je vous assure que je trouve mon temps bien long je suis désolé j’ai plus de courage j’ai plus de force. Pour la chicoré je vous remercie beaucoup aussi ».

Trois ans plus tard, Nounou est de nouveau à Ploneis mais pour sa sœur qui doit se faire opérer cette fois. Lettre du 14 avril 1918 « Ma sœur est toujours à l’hôpital elle n’est pas encore opéré elle ne sait même pas le jour vendredi dernier il y avait un docteur qui était à préparé les outils pour opéré il sait coupé un doigt alor sa va encore les retardé (…) Je pense souvent à vous surtout Hélène Mimi Guiguitte et Renée embrassez les bien fort pour nous. J’espère que monsieur renée a été bien contente de retourner en pension. Un bonjour à Célestine de ma par. Nounou qui ne vous oublie pas. »

Une figure maternelle pour la famille Maussion

Pour ma mère et sa génération, Nounou a joué le rôle de grand-mère aimante à travers une multitude de souvenirs chaleureux. En effet leur grand-mère semblait plus distante et, décédée en 1947, la plupart des cousins Ballain et Lemonnier l’on peu ou pas connue. Ces souvenirs de Nounou sont souvent associés à la nourriture, comme ce récit de Marie-Hélène Ballain.

« Nous sortions de l’église légers et pressés de courir vers la maison de grand père Maussion où tous les dimanches nous étions invités à déjeuner. Nous entrions par la porte de la cuisine sachant que Nounou serait là occupée avec la mère Chiron à préparer le déjeuner avec un gros poulet dans le four de la grosse cuisinière noire aux poignets de cuivre doré. “ Bonjour Nounou” lui disions-nous un par un en l’embrassant et à chaque fois, après nous avoir bien regardé, elle trouvait que nous avions grandi et l’hiver elle disait toujours que nous n’étions pas assez couverts car nous n’avions pas de chemises de laine.

Nounou aidée par la mère Chiron apportaient les deux compotiers où flottaient blancs et légers les œufs à la neige sur une crème si appétissante que nous avions hâte de rendre nos assiettes pour y recevoir le meilleur dessert qu’on puisse imaginer. Je sentais Nounou fière et contente d’avoir une fois de plus réussi un déjeuner où tout le monde semblait heureux et détendu.

Elle repartait dans la cuisine finir son repas avec la mère Chiron, contentes toutes les deux de leur travail bien fait qui leur valait à chaque fois nombre de compliments encourageants

Ainsi se passaient les repas du dimanche chez grand père Maussion dans la maison du haut où habitait aussi tante Helene et nounou toute l’année »

Tante Jeannette (1921- 2014) évoque aussi la tradition familiale lors des baptêmes : « … Elle (Nounou) a porté tous les enfants Ballain et Lemonnier, et moi-même bien sûr. Le jour de leur Baptême. Je précise que les Mamans étaient dans leur lit, le baptême ayant lieu le 2ème ou 3ème jour. »

Nounou avec Françoise Ballain Le Lann dans les bras en octobre 1945. Luc Ballain à ses côtés

Nounou dans la cuisine du bas - vers 1936
Nounou, 2ème à partir de la droite

Une descendance abimée

Le dernier fils vivant de Nounou, Corentin, travaillera comme boulanger à Nantes. Il avait un penchant certain pour l’alcool. Il divorcera de sa femme en 1959 après avoir eu un fils, jean-yves né en 1946 et une fille surnommée Francette. Il a été enterré avec sa mère (décédée à Cholet le 28 juin 1970) au cimetière de Saint Florent en 1977.

Alors que la mairie de Saint Florent procédait à une campagne de reprises de concession, j’ai retrouvé l’arrière petite fille de Nounou et fille de jean-yves, Maud. Elle n’a pas souhaité se faire connaître auprès de la mairie mais s’est dit heureuse d’apprendre qu’elle avait eu une arrière-grand-mère aimante et aimée de tous.

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