
Histoire courte de la famille Maussion
« Pourquoi faut-il quitter cette vie pour avoir envie de remonter aux sources ? D’aller rencontrer ces gens qui sont nos aïeux et qui dans le déroulement de l’Histoire ont incrusté leurs qualités et leurs défauts avec leurs vies, leurs misères, leurs grandeurs ? »
Jeanne Maussion Lemonnier (1921 – 2008)
L’arrivée des Maussion à Saint Florent – Pierre et sa femme Louise Cordeau – premier drame

1800 un mariage. Le marié est maitre tanneur, il occupe cinq compagnons, on ramasse les peaux aux alentours et il s’est installé au bord du grand fleuve, là l’eau ne manque pas pour traiter les peaux, les mettre dans la chaux, avant de les déposer dans l’écorce de chêne.
J’en choisirai une. Est-ce la plus grande ? La plus marquante ? C’est en tout cas celle dont le destin est marqué par la plus grosse épreuve, celle qui par les évènements a le plus œuvré à créer la famille.

La mariée est du nord de la Loire, elle à connu la Révolution, elle est attachée à la Royauté et à l’Eglise. Elle a dans ces bagages son livre de messe intitulé « Heures Nouvelles dédiées à la Reine ». Elle l’a caché bien soigneusement pendant cette période trouble, son nom de jeune fille « Cordeau » est gravé sur la couverture arrière. C’est un beau livre.
Et la vie commence toute simple, celle d’un jeune ménage qui peut s’aimer, faire des projets après cette grande peur qui vous a paralysée pendant toutes vos années de jeunesse. Un bébé s’annonce.
La vue est magnifique des fenêtres de la grande maison dont le rez-de-chaussée sert d’atelier.
La Loire coule calme et sereine a certains jours (ne lui doit on pas la douceur Angevine). Toute changeante de couleurs, éclairé le matin par le levant avec des teintes de promesse, très douces, très tendres. Le soleil monte la journée sera belle… et le soir c’est la splendeur, le couchant, l’heure où le soleil coule ses rayons les plus vertigineux et va s’abimer, se perdre au bout du fleuve qui devient coulée de sang, de feu, de magnificence. Demain il fera beau, le ciel est rouge.
Puis voilà l’automne, là la lumière est encore plus douce, plus immatérielle, ou on jouit comme de quelque chose qui va finir et sur la rive les grands oiseaux, grue, mouettes s’affolent un peu, l’hiver vient, l’hiver est là, préparons-nous, position de repli.
La Loire monte, le temps est maussade, les affluents donnent et tout change. Les grèves blondes disparaissent chacune leur tour.
La Loire monte elle devient grise, elle bave, une mousse longe les berges et frôle les peupliers, les léards, les racines misent à nu par les crues, cette Loire qui sait devenir si méchante quand elle le veut. Elle ne sait pas se contenir, son lit ne lui suffit plus, les prés, les vallées environnantes tout est envahi. L’homme a bâtit des levées( le pauvre homme il fait ce qu’il peut pour protéger son bien) mais la vilaine toute grise s’infiltre et monte, moins rapidement bien sur, de l’autre coté de la levée, malheur si celle-ci craque sous la poussée et la force du fleuve( rarement heureusement, je l’ai vu deux fois dans ma vie) alors là c’est la débâcle, il faut se sauver et faire vite, les animaux montes à l’étage doivent être évacués par les fenêtres avec des bateaux, imaginez le spectacle… On navigue d’une ferme à l’autre avec ces grandes barques a fond plat qu’on voit tout le long de la Loire.
La vie continue, saute sur les saisons, voici le temps où le bébé va venir. Bie sur on le fera baptiser dès qu’il sera là. Mais justement le Loire ce jour là est en crue, tous les chemins sont noyés. Ca ne fait rien, on prendra la barque et le bébé bien emmitouflé, tenu bien solidement et bien fièrement par les bras de la grand-mère passe par l’escalier de pierre dans le bateau. Le papa dégage la barque avec une perche, la gaffe, l’eau n’est pas profonde autour de la maison mais sitôt franchi le jardin et le chemin on retrouve la Loire méchante et son grand courant. Voici l’accident, le papa tombe sur sa gaffe et se défonce la poitrine, il tombe c’est la panique. Heureusement le parrain est dans la barque et prend la direction des opérations pour rentrer à la maison.
Mon Dieu ! ce qui devait être une si belle journée…
Pendant plusieurs jours c’est la désolation, on oscille entre la vie et la mort jusqu’au désespoir final.
On a tout de même dans ces jour d’épreuves fait baptiser le bébé, la grand-mère marraine et l’oncle parrain ont signé le registre tout neuf, l’autre à été détruit à la révolution. Il s’appelle Pierre Maussion comme le père et comme beaucoup de sa lignée passée et a venir.
La vie continue, il faut l’élever ce petit, la maman prend le tâche à pleine main, elle dirige tout son atelier, achète les peaux, les écorces, revend les cuirs finis. Que de problème pour une femme à l’époque. Oh bien sur on s’entraide, la grand-mère vient le plus souvent possible… et le fleuve coule… et la vie continue.
Cette jeune femme avec un enfant et sa tannerie sur les bras peut tenir longtemps ? Non, les bonnes âmes ont bien pitié d’elle. On cherche alentour dans la parenté, on trouve un brave homme Mathurin Bodinier, il s’y connait dans le métier, il a du bien, les familles s’accordent, on les présente l’un à l’autre et la vie coule a nouveau plus paisible. Trois enfants naîtront de cette union.

C’est l’ainé Pierre René Maussion qui prendra la suite de la tannerie. Il épousera Eugénie Jallot en 1826. La tannerie progresse… oh, on n’est pas bien riche mais il faut aller de l’avant. On achète des bâtiments pour y mettre la Tannerie située rue du couvent, on agrandit, on fait creuser de nouvelles fosses où on enfouit les cuirs avec l’écorce de chêne. C’est de la belle qualité, du cuir à semelle et l’installation est moderne pour l’époque. Les affaires marchent bien, suivant la coutume de l’époque on place les bénéfices dans la terre, on achète les champs qui sont à vendre et qui jouxtent les petites borderies dont on à héritées des grands parents Jallots.
Heureusement car les enfants arrivent rapidement : Eugénie, Charles, Urbain, Théophile, Marie, Théodore, Louis, Mélanie tous bien accueillis, c’est la gloire d’une famille et personne ne s’en plaint. Mais le bonheur est éphémère. Voici que la maman attend son neuvième et au cours de sa grossesse, elle range son armoire, les draps bien rangés dans le haut et c’est la catastrophe ; l’armoire déséquilibrée tombe sur la maman tuée sur le coup.
La deuxième génération : Pierre René Maussion et Eugénie Jallot. Nouveau drame
Imaginez l’ampleur du drame, … Un homme seul avec huit petits enfants dont l’ainé a 16 ans, il est inconsolable.
Qui va prendre le relai ? On ne peut laisser ce pauvre homme tout seul. C’est la grand-mère Louise Cordeau. Elle a déjà 65 ans, c’est une lourde tâche. Il faut surveiller les études, s’occuper des plus petits. Les garçons sont pensionnaires à Angers, ils ont des dispositions pour le dessin, on leur fait donner des cours et on collectionne sérieusement tous les cahiers ; ils travaillent bien d’ailleurs (je possède les cahiers).

Cahier d’école de Théophile Maussion. Année scolaire 1846-1847.
C’est vraiment une grand-mère courage que j’admire énormément, elle tiendra 20 ans, elle meurt à 85 ans et est enterrée dans le cimetière de Saint Florent.
Je ne vous ai pas fait part de ma prose ceci étant écrit quand j’avais le cœur gros.
Que dire de plus ? Quelques détails et anecdotes. L’oncle Charles le premier garçon de la tribu des huit était capitaine au long cours et il avait ramené de l’un de ses voyages une Tasmanienne. S’est-elle bien intégrée ?? Il a rapporté aussi une demi-dent d’éléphant que je possède. Elle servait de presse papiers sur le bureau de papa.
Troisième génération : Théodore Maussion et Georgette Lemaistre

Théodore Maussion et son épouse Georgette Lemaistre entourés de leurs enfants (pierre à gauche assis) et de leur belle fille Maria Oger vers 1900. Louis Maussion (?) assis près de Georgette.
Grand père Théodore habitait la tannerie et la faisait valoir. Il avait beaucoup de vigne. Il avait aussi beaucoup de vignes et faisait les bonnes années une centaine de barriques. Il avait fait construire le bâtiment où était le pressoir pour le mariage de ses deux filles le même jour.
Renée avec Ernest Bretaudière pharmacien à Saint Florent, Marie avec Leon Arthus un cousin éloigné Avocat à Toulouse.
Une petite anecdote racontée par papa.
Il allait avec sa maman rendre visite à une vielle tante Demion (d’où venait le salon rouge de Saint Florent) qui était aveugle. Cette pauvre femme avait perdu son mari à la guerre de 70, il avait été porté disparu, et chaque fois qu’elle entendait un cheval passer, elle se levait espérant revoir son mari. Elle habitait place Mellinet à Nantes.
Coté Boutin
Pour remonter à la Révolution, il y a l’histoire de la grand-mère (est ce Tante Girard, Est-ce Boutin ? je ne sais pas très bien où la situer) elle était en prison et y avait eu 2 jumeaux. Pour aller à la noyade à Nantes elle les avait mis dans son tablier losque le convoi apprend la mort de Carrier. C’est à cet endroit qu’elle fit construire en reconnaissance une petite chapelle appelée (Toutes joies) je crois. Sur quelle route ?? Clisson ? la Roche sur Yon ? à découvrir…
Il y a toute l’épopée de Friederich notre grand père né à Paris en 1772 et décédé à Luçon en 1832 où il est enterré. Son frère Jean Parfait né en 1773 fait toutes les campagnes de Napoléon, il a une cuisse emportée par un boulet de canon a la bataille de Leipzig où il meurt à l’hôpital le lendemain en octobre1813. Son nom est marqué sur l’arc de triomphe à droite en montant les champs Elysées : Général Friedérich Baron de Galestein.
Pour ce qui est l’histoire du baptême de Clémenceau, je ne situe pas au juste l’endroit. J’ai pourtant revue cette adresse dans un livre de Françoise Giroud appel « Clémenceau » et où il est dit que le père de Clémenceau ne voulait pas qe son fils soit baptisé.
Les parents étant en voyage avaient confié le petit à une vielle bonne. Celle-ci tout en émoi va trouver sa voisine une de nos grand-mère Douand ou Barré suivant les générations en disant !! Madame j’crois ben que le petit va passer. La grand-mère se pr&écipite et baptise le petit. Tant pis ou …tant mieux.
Il y a aussi un autre homme célèbre, c’est le colonel Boutin du Loroux Bottereau dont le frère était boulanger à Nantes. Il était espion de Napoléon et prépara la conquête de l’Algérie. Napoléon n’eut pas le temps mais en 1830 on ressort les plans du colonel Boutin et le corps expéditionnaire Français le suit point par point. J’ai sur lui un article amusant : extrait de son carnet scolaire : « esprit vif, aime le muscadet et adore les mathématiques. » Il était au collège à Nantes avec Foucher, futur beau frère de Victor Hugo, Laennec et Cambronne. Il est mort assassiné en Syrie au cours d’un voyage de reconnaissance.
Pour ce qui est de grand père Boutin tante Ballain aurait été mieux placé que moi pour en parler, elle l’aimait beaucoup et allait chaque semaine à Nantes pour ses leçons de dessin, elle couchait chez grand père qui habitait cours Cambronne. Moi , je n’avais que 12 ans et le voyais moins souvent. Je me rappelle de ses éclats de rire, il était très gai et très bon grand père.
Dans le courrier de maman j’ai retrouvé une lettre amusante : papa et maman avaient bien ri en apprenant que grand père avait été placé dans un repas d’affaires entre un Anglais et un Russe, lui qui était si bavard !! ils avaient réussi à échanger quelques mots en allemand langue que grand père possédait bien.
C’était un phénomène. Etant jeune il allait passer ses vacances chez un brave tonton et sa distraction était de mettre de l’encre dans le bénitier de l’église pour que les braves personnes, allant à la messe de 6 heures à la brume, se signent bien dévotement, mon dieu …quel horreur !
Beaucoup plus proche de nous il y a les souvenirs de guerre
L’invasion allemande ; le départ pour le Loroux en attendant que les ponts sautent. Le retour en trouvant la maison envahie et transformée en Kommandantur. Le repli dans la maison Brunet en attendant le bon plaisir de ces messieurs, les réflexions de la mère Chiron embauchée par les Allemands et protégeant ce qu’elle pouvait de la maison. Le commandant la trouvant bien brave lui dit » qu’est ce que vous voulez que je vous donne » elle répond du tac au tac « ce que je veux monsieur c’est la liberté d’être libre » .Il y eu la réception du maréchal Von Brautchiss (orthographe !) que nous avons suivie de l’ile en face avec musique militaire sur la pelouse, le maréchal sur la terrasse. On lui avait offert un cheval qui était entré dans le vestibule. Inutile de dire l’état de la maison quand nous l’avons récupérée…

Les affaires se sont corsées quand papa fut maire en 43 et les allemands énervés par la défaite qu’ils sentaient venir.
Les américains étaient à Varades et les allemands croyaient qu’il y avait un tunnel sous la Loire pour communiquer. Ils sont venus un soir demander a papa de désigner 10 otages. Le lendemain matin papa et Georges Dupré secrétaire de mairie se sont présentés en disant c’est tout.
Heureusement ce fut la fin de nos malheurs. Les Allemands avaient reçu leur ordre de repli ce même jour : OUF .
Bien sur les avions chassaient au dessus de St-Florent. On a entendu le bombardement d’Angers ; Marie-Héléne pleurait au passage des avions et René lui disait : « Ai pas peur Minée c’est un a…mand » il savait les reconnaître et faisait ce qu’il pouvait pour la rassurer.